la joie est à son comble, j'exulte car je vis, comment autrement pourrais-je me dire que je vis, il faut vivre longtemps pour savoir que la vie est un cadeau gratuit, on ne paye rien, on respire, chaque jour passe et l'envie est plus ou moins présente, on à l'envie de manger tous les jours au moins trois fois, ça permet de faire fonctionner les organes mais ça donne aussi le ventre mou, un problème de l'âge quand on a dépassé la quarantaine, on s'écrase sur le sol, on ne grandit plus, on s'élargit car la pesanteur appuie plus sur les vieux que sur les jeunes, quand on a moins de vingt ans, la vie est légère, après quarante ans, la vie est lourde, chaque jour qui passe rapproche de la tombe, je ris car je me moque bien de mon dernier jour, sera-t-il différent du premier jour, je n'en m'en souviens pas, vais-je me souvenir du dernier jour, je ne crois pas, c'est toujours pareils, ce sont les autres qui te racontent le jour de ta naissance et ce sont les autres qui ne te parleront pas de ton enterrement, il pleuvait à ma naissance, c'était un lundi, ma mort n'est pas encore programmée, ce sera peut-être un mardi ou un dimanche, je n'ai pas de préférence, c'est comme ça qu'on a envie d'un bon repas bien gras pour tenter de prendre à la vie cinq minutes de plaisir, tant pis si ça bouche les tuyaux, le moment est merveilleux, le corps est dans l'extase, il est plein de saveurs enfantines, quand on trempe le pain dans la sauce, quarante ans après on sait que c'est mauvais mais on le fait quand même car la vie c'est ça