il était une fois une histoire drôle que j'ai oublié, à la place je me contente de vivre légèrement, rien ne m'énerve, tout me plaît, attendre au supermarché, sortir de chez moi, allumer la lumière, choisir quoi manger à midi, avoir des fantasmes qui me décollent de la réalité, pour me croire quelqu'un d'autre, un autre moi qui a de la chance, qui est beau, intelligent, riche, capable de séduire et de laisser tomber rapidement pour une autre, tout ce qui ne me correspond pas en réalité, je suis casanier, j'aime le bonheur simple, je ne veux pas posséder de corps, mon corps me suffit, je vis heureux depuis des années, ça me suffit mais de temps en temps j'ai besoin de déposer mes sacs et de respirer un grand coup, une sorte d'arrêt au stand, ça dure un quart d'heure et c'est parti dans un rituel ridicule qui consiste à regarder par la fenêtre pour voir si le rideau de ma voisine a bougé, mais il ne bouge jamais, c'est une permanence bizarre, car dans la vie tout bouge, elle est peut-être morte, mais ça fait longtemps que ça dure, elle vit seule, mais quand même, quelqu'un de mort chez lui, on s'en aperçoit au bout d'une semaine ou deux, alors quoi faire, en général je ne fais jamais rien pour les autres, mon grand plaisir c'est de croiser des gens sans leur parler, je n'aime pas parler aux gens, je trouve ça trop inquiétant, que me veulent-ils, je ne sais pas quoi répondre qui pourrait m'engager dans une voie que je n'aurai pas choisi, alors je préfère marcher des heures dans Paris, et mettre mon cerveau en liberté, je divague, je rêve éveillé, je suis dans un état de transe, j'ai même parfois l'impression de voler, ça ne dure pas longtemps, mais dans la vie qu'est ce qui dure, tout va vite, les heures, les mois, les années, on vit dans un tourbillon insensé